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Annecy 2020 : la Leçon de Cinéma de Dean DeBlois

Dean DeBlois est un animateur, scénariste et réalisateur né le 7 juin 1970 dans la ville canadienne de Aylmer. Grand passionné de dessin, il s’essaye d’abord aux comics mais il bifurque vite vers l’animation. Ses premières incursions dans cet univers se font en 1988 au Hinton Animation Studios/Lacewood Productions à Ottawa, tout en poursuivant une formation en parallèle au Sheridan College d’Oakville. Fraîchement diplômé en 1990, il démarre sa carrière en tant qu’artiste layout et character designer aux Sullivan Bluth Studios situés à Dublin. Il participera ainsi aux projets Un Troll à Central Park et Poucelina. Sa carrière d’animateur entre dans une phase décisive en 1994 grâce à sa participation sur le projet Mulan pour les Studios d’Animation Walt Disney ; il se vit par la suite confier la direction de Lilo et Stitch aux côtés de Chris Sanders. Tous deux se sont ensuite dirigés en 2008 vers les studios DreamWorks où ils ont développé et porté la saga Dragons. À ce jour, grâce à cette saga, l’artiste a été primé une fois aux Golden Globes en 2014 et deux fois aux Annie Awards en 2010 et 2014. Il a également reçu trois nominations aux Oscars. Ce parcours diversifié est l’objet de la conversation menée par Dean DeBlois au cours de son intervention dans le cadre du Festival international du film d’animation d’Annecy le 18 juin 2020. Cet article a pour objectif de revenir sur les grandes lignes de cet entretien.

L’homme derrière la célèbre saga d’animation des Dragons

L’interview a d’abord été l’occasion de dresser une rétrospective des interventions passées de Dean DeBlois au festival. En effet, le réalisateur, familier du plus grand festival de l’animation au monde, est déjà venu présenter le troisième opus de la saga Dragons en 2018. En 2020, c’est libre de toute pression qu’il vient non pas défendre son œuvre mais participer en tant que jury des films de fin d’étude. L’occasion pour lui également d’accepter une conférence pour replonger avec nostalgie dans son parcours.

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La première orientation que prend l’entretien est celle de la saga Dragons, Dean DeBlois revient sur l’origine des films, la façon dont il a reconstruit l’histoire originale en conservant l’univers romanesque de l’auteur Cressida Cowell, tout en emmenant l’intrigue dans une toute autre direction. Le réalisateur revient également un peu plus loin dans son entretien sur la finalité de sa saga. Il précise qu’au terme de dix ans de travail sur une série de film, il ressentait le besoin d’avoir une vraie fin. D’autre part, laisser une ouverture aurait fait perdre de son identité aux films. Il ajoute qu’il ne faut « jamais dire jamais » mais pour le moment il souhaite s’orienter vers de nouveaux univers. Le duo formé par Dean DeBlois et Chris Sanders sur ces célèbres films de DreamWorks permet ensuite au réalisateur de faire un retour arrière sur sa carrière lorsque premièrement, il fut amené à travailler pour les studios de l’oncle Walt sur le film Mulan

De Mulan à Lilo et Stitch, Dean DeBlois et Chris Sanders chez Disney

C’est en effet à la fin des années 1990 que les deux hommes se rencontrent sur ce projet. Dean DeBlois fait la connaissance de son futur partenaire dès son premier jour dans les studios. Après avoir été une première fois refusé par Disney, l’animateur a retenté sa chance une deuxième fois en présentant un portfolio plus représentatif de ses aspirations avec une conception également plus unifiée. Engagé par la firme aux grandes oreilles, l’animateur devait alors se charger du travail sur les arrières plans du film, alors qu’il souhaitait pour sa part travailler dans le domaine du storyboard. Il demanda toutefois si il lui était possible de rejoindre une équipe et de participer au storyboard d’une scène, c’est ainsi qu’il rencontra Chris Sanders à la tête de l’équipe qu’il se fit attribuer. La séquence dont il était question était celle où Mulan, après s’être opposée à son père, se coupe les cheveux pour ensuite prendre la place de ce dernier dans l’armée. Pour cette scène particulièrement forte, l’animateur explique s’être inspiré d’une séquence du film Le Cercle des Poètes Disparus (1989) dans laquelle le personnage de Neil se suicide. Il voulait retrouver l’aspect poétique et marquant qu’une telle scène peut suggérer, notamment en conservant la séquence sans dialogue et seulement avec un fond musical.

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Mulan lors de son choix, storyboardé par Dean DeBlois

Dean DeBlois explique ensuite que la connexion entre lui et Chris Sanders fut évidente, ils partageaient de nombreux points communs et notamment des goûts très similaires. Ils commencèrent alors à travailler ensemble chez eux sur une nouvelle histoire, quelque chose de différent de ce qui se faisait chez Disney et où le méchant incarnerait le héros. C’était quelque chose de très naturel pour eux de produire ensemble et c’est de cette manière qu’en 2002 apparait leur premier film coréalisé : Lilo et Stitch. Pour aborder la manière de produire ce film, les deux réalisateurs savaient qu’ils voulaient faire les choses différemment de ce qu’ils avaient vécu sur Mulan. Pour travailler sur la séquence du film de 1998, l’équipe de l’époque opéra dans un studio en Floride à Orlando. Dean DeBlois revient sur cette expérience comme une période très laborieuse qui demandait une implication constante, il fallut beaucoup de temps pour se représenter ce que le film serait. L’équipe devait travailler la nuit, faire l’impasse sur les week-ends ; la production de ce film fut particulièrement éprouvante d’un point de vue personnel pour l’équipe. Lorsque les studios Disney envoyèrent à nouveau les deux partenaires travailler sur leur nouveau film au studios Walt Disney Feature Animation Florida situés au parc Disney-MGM Studios en Floride, ils avaient conscience de devoir élaborer une nouvelle manière de réaliser ce projet. Ils devaient composer avec le budget et le temps plus serrés que pour Mulan tout en faisant en sorte que l’équipe puisse conserver du temps pour soi, en dehors du projet. Pour Dean DeBlois, Lilo et Stitch est en cela un des films sur lequel il s’est le plus amusé avec une équipe aux airs de famille, tout en maintenant une balance entre temps de travail et temps de repos. 

Expérience du métier de réalisateur et conseils aux futures générations

Le réalisateur revient par la suite sur son expérience du travail pendant la période de confinement liée à la pandémie de COVID-19 en 2020. Il explique que pour lui, cette période n’a pas changé grand chose puisqu’il est dans une période d’écriture pendant laquelle il se coupe dans tous les cas un peu du monde. Il ajoute que beaucoup d’animateurs souhaitent pouvoir travailler de chez eux et ne pas avoir à aller au studio chaque jour. Toutefois, Dean DeBlois constate que cette pratique a aussi ses limites, elle offre en effet beaucoup plus de distractions et d’occasions de procrastination. Il est également plus difficile de savoir faire la distinction entre le temps personnel et professionnel puisqu’ils se confondent dans un même espace. Pour le réalisateur, travailler seul est à la fois l’occasion de grandir et représente un challenge, mais il ressent en même temps le manque dû à l’absence de dynamisme procuré par un entourage en studio. Dans ce lieu de travail, il est possible d’interagir en permanence avec d’autres animateurs, ce qui permet de débloquer plus facilement des situations que seul chez soi.

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Un co-réalisateur parfait pour Lilo et Stitch

Le réalisateur revient également, orienté par le journaliste, sur son métier actuel et sa définition du réalisateur de de film d’animation. Pour Dean DeBlois il s’agit avant tout de s’entourer des personnes les plus talentueuses possibles. Un réalisateur doit avoir conscience qu’il n’est pas professionnel dans tous les domaines, lui-même n’irait pas dire aux aquarellistes comment faire leur travail, mais c’est avec sa maîtrise du scénario qu’il peut orienter la production de son équipe. Il faut à ses yeux constamment questionner et discuter avec ses animateurs de ce qui peut être mieux, il faut travailler en symbiose avec chaque département de création. Pour Dean, l’important est d’apprendre continuellement, d’accepter de laisser chaque professionnel gérer son domaine, de laisser chacun se sentir responsable et investi dans le projet et surtout de toujours savoir se réinventer. Le réalisateur explique également que pour travailler dans le milieu de l’animation il est important de savoir montrer sa vision et sa personnalité à travers son art et ses productions, pour se faire remarquer ; une personne qui souhaite travailler dans l’animation doit savoir montrer qu’elle est flexible tout en ayant une identité propre. Il encourage les étudiants qui veulent percer dans le milieu. Pour lui, il y a de nombreuses possibilités aujourd’hui avec les nouvelles ressources numériques. La communauté du monde de l’animation est plus vaste et l’important est de savoir saisir les bonnes opportunités. Il faut être apte à composer un portfolio représentatif de son univers, de ce que l’étudiant est capable d’apporter, tout en laissant paraître la capacité à s’adapter selon les projets. 

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Croquis préparatoire de Lilo et Stitch de Dean DeBlois

Quant à son propre avenir, Dean DeBlois le voit probablement dans la prise de vue réelle. Si il émet des réserves quant à la tendance aux remakes d’animation en live-action qui colorent le cinéma actuellement, c’est en effet pour lui dommage d’investir les talents et budgets dans cette orientation plus que dans de l’original. Il se voit bien pour sa part créer de toute pièce de nouveaux projets en live-action.

Dean DeBlois, anecdotes et bienveillance

Après cette belle leçon de cinéma, on pourrait placer aisément Dean DeBlois au rang de figure mythique de l’animation du XXIe siècle grâce à une œuvre cinématographique devenue emblématique et dont il ne tarit pas d’anecdotes sur les réalisations. Bienveillant et soucieux de l’avenir de l’animation, il n’hésite pas à encourager les étudiants de ce domaine à rentrer dans le métier en leur conseillant de mettre en valeur leur identité. Aujourd’hui, le réalisateur planche sur le développement de Micronauts pour Paramount Pictures, à la fois en tant qu’auteur et réalisateur. Il s’est également vu confier la réalisation de Treasure Island pour le compte de Universal Pictures et Mandeville Films.

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