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Toy Story 4 critique film

Toy Story 4 – Critique du Film

Bonnie, le nouvel enfant de Woody et ses amis, entre en maternelle, et, très imaginative, se fabrique un nouveau jouet à partir de détritus, qu’elle baptise Fourchette. Ce dernier ignore pourquoi la petite fille se lie d’affection à lui et Fourchette refuse sa condition de compagnon de tous les jours, lui qui provient de la poubelle. Lors d’un voyage en famille, il en profite pour fuir son foyer et les jouets de Bonnie, qui vont tout faire pour le retrouver, malgré les défis qui s’imposent à eux. L’aventure ne fait que commencer pour Woody, Buzz, Jessie et leurs amis…

La marque fétiche de Pixar

Avec l’épisode faussement définitif Toy Story 3, tout le monde pensait que les péripéties des jouets les plus célèbres de la pop-culture allaient s’achever. Le quatrième volet de la saga Toy Story, aussi inattendu qu’ambitieux, a la lourde tâche de conclure réellement ce qui aura marqué sans aucun doute le premier grand âge des Studios d’Animation Pixar. Emouvant, épique et inventif, Toy Story 4 ancre dans le marbre un double point final pour la saga qui définit le mieux l’âme pixarienne, et dans une certaine mesure, pour une stratégie industrielle de productions de suites désormais révolue.

toy story 4

Comme son prédécesseur, Toy Story 4 a mis énormément de temps à aboutir, mais pas nécessairement pour les mêmes raisons. Toy Story 3 avait indubitablement refermé un arc narratif en 2010 avec le réalisateur Lee Unkrich à sa tête. Ce dernier, qui prouvera en 2017 avec COCO qu’il est également capable de conter une histoire totalement originale au sein du studio de Luxo Jr., avait pourtant été assez claire quant à au devenir de la franchise et affirmait à l’époque qu’il n’espérait aucun autre long-métrage Toy Story. Le troisième opus réalise un score phénoménal dans le monde, engrangeant 1,067 milliard de dollars et détrônant par la même occasion Shrek 2 du fauteuil de film d’animation le plus lucratif de tous les temps (919 millions de dollars) – jusqu’à ce que La Reine des Neiges ne vienne le remplacer trois années plus tard. Les critiques sont unanimes quant à la qualité intrinsèque de ce grand final et le tout Hollywood consacre par deux fois le film aux Oscars, où il se voit même nommé dans la catégorie Meilleur Film aux côtés du (Le) Discours d’un Roi. S’en suit une véritable entreprise d’exploitation de la franchise dans les années 2010 à travers une série de courts et moyens métrages mais aussi l’ouverture de zones thématiques entièrement dédiées à l’univers de la saga au sein de plusieurs Destinations Disney. L’expansion la plus notable du genre est sans aucun doute Toy Story Land qui ouvre ses portes en 2018 au parc Disney’s Hollywood Studios à Walt Disney World Resort. Comment pouvait-on, dès lors, faire mieux et envisager un nouvel opus quand tout se terminait aussi bien ? Tout portait à croire que les jouets d’Andy, qui avaient reçu un nouveau foyer, pouvaient se reposer éternellement sur grand écran.

Toy Story 4 Woody Ducky Bunny

Il s’est avéré que les fans et plus globalement le public se sont mépris quant aux réelles intentions de The Walt Disney Company à profiter de cet héritage de John Lasseter. Ce dernier est d’ailleurs l’instigateur direct de ce projet. Le 6 novembre 2014, Robert Iger, patron de la firme aux grandes oreilles, annonce lors d’une réunion auprès des investisseurs de la société, ce que tant de personnes redoutaient, la mise en chantier d’une suite directe de Toy Story 3. John Lasseter, alors toujours en poste comme directeur créatif de l’entité Disney-Pixar des Walt Disney Studios, fort d’une paternalité envers les personnages qu’il a co-créés dans les années 1990, est annoncé comme réalisateur de Toy Story 4, soit le troisième film de la saga qu’il réaliserait, renouant avec son métier de cinéaste qu’il avait mis de côté en raison du surmenage lié à son rôle de grand manitou artistique des Studios d’Animation Walt Disney et des Studios d’Animation Pixar depuis 2006. Viennent lui prêter main forte la plupart des pontes de Pixar, Andrew Stanton, Pete Docter et Lee Unkrich, pour écrire cette nouvelle histoire. Personne, à ce moment-là, ne peut encore en deviner les contours tant le troisième film avait refermé avec brio la franchise d’animation la plus révolutionnaire de l’histoire du cinéma.

Exit Lasseter, welcome Cooley

Un nouveau duo de scénaristes vient prêter main forte à John Lasseter. Il s’agit de Rashida Jones et Will McCormack, qui ont déjà collaboré ensemble par le passé notamment sur le film Celeste and Jesse Forever (2012), en tant que scénaristes et comédiens. Galyn Susman, qui a déjà travaillé sur les moyens-métrages Toy Story : Angoisse au Motel (2013) et Toy Story : Hors du Temps (2014), rejoint l’équipe en qualité de productrice. Les arguments de John Lasseter justifiant tant bien que mal la production de cette suite dont personne ne veut, sont assez difficiles à entendre. Le papa de Woody explique que la passion qu’entretiennent les équipes du studio pour cette marque historique ont eu raison d’une telle décision. Bien évidemment, la réalité est toute autre, et plus mercantile qu’on ne le pense. Mais Lasseter n’en démord pas en soulignant justement que la trilogie étalée de 1995 à 2010 clôturait parfaitement un cycle, celui du parcours d’Andy que l’on a suivi enfant puis jeune adulte, si bien que l’idée d’un nouveau film n’a germé que bien plus tard et que Lasseter, intimement convaincu du potentiel de son histoire d’amour qu’il voulait injecter dedans, n’arrivait pas à se convaincre du contraire. Une excitation qui l’a conduit à vouloir le réaliser lui-même.

Fourchette Woody

Dans cette optique, Jim Morris, président de Pixar, tente de rassurer la communauté des fans et la presse en 2015, en abordant la saga sous un angle inédit. Toy Story 4 sera une comédie romantique et ne s’inscrira pas dans la continuité du précédent volet. Josh Cooley est nommé dans la foulée co-réalisateur du film et, deux ans plus tard, en prend les rennes seul, John Lasseter étant bien trop occupé à manager l’ensemble des équipes des deux studios d’animation phare de Mickey. Le concept de base est préservé et Lasseter garde ses fonctions de producteur exécutif. Tout semble aller sur des roulettes pour un film qui commence à intriguer… Dès la fin de l’année 2017, la pré-production de Toy Story 4 prend un mauvais tournant suite, en premier lieu, au départ de Rashida Jones et Will McCormack, qui invoquent des différences philosophiques avec l’équipe de production. Ils soulignent notamment l’inégalité de traitement entre certains employés du studio, selon qu’ils soient de genre masculin ou féminin, ou de couleur ou non de peau. Cette affaire vient quelque peut ternir la production qui prend un certain retard. Le film se verra d’ailleurs décalé d’un an par deux fois, lui qui devait sortir en 2017 initialement.

Toy Story 4 Fourchette

C’est Stephany Folsom, aidé de Andrew Stanton, qui se charge de réécrire les trois quarts du script. Entre temps, une sombre affaire vient une nouvelle fois défrayer la chronique au sein même du studio. John Lasseter décide de prendre officiellement un congé sabbatique de six mois en novembre 2017, suite à des allégations faites à son encontre par plusieurs salariés, l’accusant d’inconduite sexuelle (verbale et physique) sur le lieu de travail qu’il finira par qualifier lui-même de « faux pas » envers des employés dans un mémo adressé au personnel. Ce comportement présumé est d’autant plus mis en lumière que l’affaire Harvey Weinstein et la libération des paroles dans un Hollywood proscrit permettent de rendre justice à des professionnel(le)s de l’ombre, victimes de harcèlement ou pire. Dans ce contexte très lourd, John Lasseter est démis de ses fonctions le 31 décembre 2018, d’un commun accord avec les exécutifs de Disney, ce qui, lui laisse le temps d’aménager sa sortie et de travailler encore un peu sur Toy Story 4 comme consultant créatif, bien que Josh Cooley en soit le garant principal. Portée on ne peut plus symbolique comme un acte délibéré de faire fi de ce passé maussade, Pixar décide de ne pas créditer le père des jouets d’Andy comme producteur exécutif mais simplement comme co-scénariste. En janvier 2019, l’histoire d’amour entre Lasseter et Disney, qui aura duré 40 ans, lui qui a fait ses tout débuts d’animateur aux studios de Walt, se termine officiellement. Il est engagé par la société Skydance Animation pour produire des films d’animation avec les studios Paramount Animation et Ilion Animation.

La nouvelle génération Pixar

Pour la première fois, un film Toy Story termine de se fabriquer sans son père spirituel. Josh Cooley concentre toute son attention sur la relation entre Woody et la Bergère, un personnage volontairement absent du troisième opus. L’intérêt romantique pour Toy Story 4 commence à prendre ; par ailleurs, les consciences de fans s’éveillent car le destin de la Bergère entre Toy Story 2 et 3 n’a jamais été expliqué. Avec ce matériau scénaristique alléchant, Josh Cooley espère marcher sur les plates bandes de Lee Unkrich.

Après une formation traditionnelle en école d’animation, Josh Cooley débute sa carrière en 2003 aux studios d’Emeryville dans le département de storyboarding. Il progresse dans ce domaine très spécifique du processus d’un film d’animation et gagne ses galons sur des films distingués, Les Indestructibles (2004) puis Cars : Quatre Roues (2006), Ratatouille (2007), Là-Haut (2008) et Cars 2 (2011). En 2009, il se voit confier la réalisation de son premier film, au format de court-métrage. George et A.J. est un film en réalité dérivé de Là-Haut auquel il a participé. Il travaille également sur l’animation du long-métrage Rebelle en 2012. Il fait ses grands débuts de co-scénariste sur le film Vice-Versa (2015), et planche également sur les storyboards du film. Son ami Pete Docter lui confie la mission d’accoucher à nouveau d’un cartoon, cette fois associé à Vice-Versa. Premier rendez-vous ? est proposé directement en bonus du Blu-Ray du film Vice-Versa. On lui doit également quelques voix de personnages secondaires dans ces films. C’est en faisant ses preuves dans la grande machinerie pixarienne qu’il réussit à décrocher son premier projet de long-métrage, Toy Story 4.

La fin d’une ère

Fait notable, Toy Story 4 achève une vaste entreprise de productions de sequels et prequels de long-métrages Pixar, qui fut emmenée par John Lasseter et ses équipes. Exception faite de COCO (2017), les studios Pixar n’ont clairement pas brillé durant les années 2010 par leur pouvoir créatif, qui faisait auparavant paradoxalement leur renommée. S’efforçant de suivre la voie toute tracée de la non prise de risque commercial, le studio, pris dans son propre piège commercial, a enchaîné les sorties de suites à un rythme effréné, dont certaines étaient plus ou moins bien réussies que d’autres. Sans remettre en cause la qualité artistique de chacun de ces films, Pixar a démontré son incapacité profonde à se renouveler. Des films comme Rebelle (2012) ou Le Voyage d’Arlo (2015) n’ont pas brillé plus que cela (le dernier cité est même passé aux oubliettes aussitôt sorti). Après Cars 2 (2011), Monstres Academy (2013), Le Monde de Dory (2016), Cars 3 (2017) et Les Indestructibles 2 (2018), Toy Story 4 était d’autant plus attendu au tournant, la marque et sa trilogie parfaite en tout points symbolisant à elles seules le sacro-sainte exigence du studio.

bo peep woody

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la vision de Josh Cooley et des multiples scénaristes est novatrice concernant cet univers ludique, qui réussit à se réinventer dans ce film. Le risque de proposer un « remake » caché de l’un des trois films précédents a été évité haut la main. Il s’agit vraiment d’une histoire inédite. En effet, dans l’histoire, Woody a toujours su quelle était sa place dans le monde, et sa priorité a toujours été de prendre soin de ses « jeunes propriétaires», qu’il s’agisse d’Andy ou désormais de Bonnie. Alors, lorsque Fourchette, la nouvelle création fétiche de la petite Bonnie, refuse de se voir comme un jouet et se dépeint lui-même comme un déchet, Woody entreprend de lui démontrer toutes les raisons pour lesquelles il devrait se réjouir d’en être un. Toute la structure même du film s’articule autour de la notion de l’acceptation de soi, de sa propre recherche d’identité. Jamais un film Pixar n’avait saisi avec autant de simplicité et de nuance ce concept, si bien que Toy Story 4 se révèle être une véritable leçon de vie, mêlée à une inattendue réflexion psychologique humaine. Ce qui survient aux jouets nous parle instantanément : la force même de cette saga reste, en ce sens, intacte. Faire passer des messages universels à travers des personnages à l’antithèse de notre propre réalité.

Toy Story 4 : un opus plus cérébral que les autres

Si Toy Story 3 avait approfondi des questions fondamentales comme ce que cela signifie d’être un jouet (vivant), proposant au passage un moment des plus attendrissants au moment du passage de flambeau de Andy à Bonnie, Toy Story 4 entend poursuivre la réflexion autour de plusieurs problématiques. Symboliquement, cet opus final propose une histoire axée sur le renouveau et non la conclusion : la nouvelle vie des jouets, l’entrée de Bonnie à la maternelle, la création d’un jouet à partir de rien, un départ vers une destination inconnue, la découverte de lieux surprenants, des retrouvailles etc. Toy Story 4 inverse le schéma du précédent film tout en refermant la plupart des arcs narratifs de la saga.

A la fois plus profond et artistique que les précédents, il débute par un concept fort, selon lequel de tels compagnons en plastique dépendent d’une seule et unique conception de la vie, leur devoir envers leur enfant qu’ils se doivent d’accomplir. La rencontre entre Woody et la Bergère – la lampe en porcelaine appartenant à la soeur d’Andy, Molly, et qui a quitté le foyer des années en amont – est un point crucial du film et en détermine le dénouement. En outre, la beauté commune de Toy Story 4 aux autres volets est la démonstration de loyauté et de responsabilisation des personnages, à la fois envers leur propriétaire et les uns envers les autres. Woody garde la même politique depuis le départ : quiconque est délaissé se doit d’être secouru ; n’abandonner personne sur sa route, qu’il soit humain ou jouet (souvenez-vous du sauvetage de RC Racer ou de son plan pour faire évader ses amis de Sunnyside pour retrouver Andy).

Comme il avait pu sauver Buzz il y a des années en amont d’un terrible dessein, Woody continue encore ici, comme une impulsion ancrée au plus profond de lui, à s’en tenir à ses principes de base. C’est pour cela qu’il espère retrouver Fourchette et le ramener à leur propriétaire, quoi qu’il en coûte. La comparaison entre ce dernier et Buzz peut se prolonger dans le sens où, si le Buzz des tout débuts faisait preuve d’assurance et déniait sa vie de jouet, le Fourchette de 2019 en fait tout autant (il se convainc qu’il est un déchet et non un jouet) malgré les efforts de Woody pour le persuader du contraire. Mais Fourchette, gentil, naïf et aussi un peu idiot, va beaucoup loin dans sa propre trame dramatique que Buzz dans Toy Story, notamment dans le premier acte du film, ce qui le rend à la fois attachant mais également tragique…

C’est ainsi que Toy Story 4 reprend de nombreuses questions existentielles qui prennent tout leur sens lorsqu’un jouet survit à son utilité ou change d’utilité justement – comme dans le deuxième film, lorsque Woody est convoité par un collectionneur adulte. Les scénaristes Andrew Stanton et Stephany Folsom imaginent pour cela une sorte de situation bis lorsque Fourchette et Woody, qui s’éloignent du gang des jouets lors d’un voyage dans le parc national du Grand Bassin, font un détour à leur insu dans un magasin d’antiquités… C’est ici que Woody fait la rencontre d’une personne qu’il croyait perdue justement…

Autre question traitée dans Toy Story 4, celle qui explore l’idée de purgatoire. Dans Toy Story, les extrêmes Andy et Sid montraient deux visions de la vie totalement opposées. Ici, est posé le problème de savoir à quoi ressemble et ce que doit faire un jouet à ignorer ou ignoré, à négliger ou négligé voire totalement inutilisé. Et dans la mesure où ces personnages détiennent tous leur propre libre arbitre, à quel point est-il raisonnable qu’ils privilégient leur propre bonheur au-dessus de celui de leurs propriétaires ? Tous les personnages sont traversés par ce débat philosophique : c’est tout bonnement impressionnant !

Just Woody

Plus qu’un simple film d’aventure, comme le pouvaient être les trois volets qui l’ont précédés, Toy Story 4 nous offre une introspection  dans la conscience même de chacun des jouets à l’écran. La fluidité naturelle de l’histoire nous permet d’apprécier à leur juste valeur l’évolution de chacun des personnages et de ne se concentrer que sur eux au final ; les enjeux du scénario savamment ficelé ne sont finalement que des prétextes pour mieux nous servir la substantifique moelle créative de la marque Pixar, l’émotion. Déchirant, chaleureux, drôlatique, déconcertant : Toy Story 4 n’en finit pas de nous bercer avec des situations poignantes, des moments d’humour bien sentis ou des cris d’espérance qui nous captivent du début à la fin.

Plus que jamais, ce film se focalise sur le destin de Woody. Comme une boucle bouclée avec le premier film, Toy Story 4 parvient à refermer un arc narratif de 24 années sur notre cow-boy, placé définitivement comme le héros principal de la saga. Après trois films, il était légitime de se demander si ce personnage avait encore de nouvelles choses à vivre, si le fait d’avoir quitté Andy n’avait justement pas refermé une page. C’est justement le revirement de situation de sa vie, qui lui fait notamment changer d’enfant, qui permet au shérif de connaitre une évolution existentielle à laquelle on ne s’attend pas vraiment. Woody est toujours incarné en version originale par Tom Hanks (Dans l’Ombre de Mary – La Promesse de Walt Disney) et en version française par Jean-Philippe Puymartin, qui chacun dans leur genre, savent insuffler beaucoup de nuance dans leur timbre vocal.

C’est bien simple, on devine à quel point Tom Hanks a du prendre un plaisir incommensurable à redonner vie à son personnage pour la dernière fois. Le cow-boy au grand cœur connait plusieurs bouleversements dans ce film comme jamais auparavant, au point que toute la perception même qu’il s’était faite de sa vie, s’altère progressivement. Toy Story 4 prouve que la saga n’est pas nécessairement qu’une simple ode à la communion, l’amitié et la famille mais, démontre à quel point elle repose sur un personnage, élevé ici au rang d’icône populaire éternel (comme l’est Iron Man en fil rouge des films du Marvel Cinematic Universe), Woody : le représentant de cette saga et du studio d’animation dont elle dépend plus globalement.

On remet le couvert avec Fourchette

Parmi ces nouvelles épreuves, il y a la fugue de Fourchette. Ce nouveau personnage, d’une complexité scénaristique et d’une subtilité poétique appréciables, est une véritable plus-value au film. Bonnie lui a donné vie à partir de déchets trouvés dans la poubelle et ce nouveau jouet artisanal dont elle s’est éprise, se considère comme tel, un simple déchet, qui n’a, selon lui, rien à faire dans une chambre d’enfant, encore moins dans son lit comme doudou. On arrive très facilement à s’attacher à ce personnage aussi frais que divertissant, et la justesse de ses propos sur sa propre quête d’identité parsème le film sans pour autant donner de réponses claires à la fin, ce qui laisse le spectateur s’approprier cette question quasiment d’ordre philosophique. Fourchette a la particularité d’être le faire-valoir de l’histoire mais il n’en reste pas moins un élément actif, ce qui fait sa double force. C’est l’acteur Tony Hale (vu dans la série américaine Veep) qui lui prête sa voix avec authenticité, tandis qu’en France, c’est Pierre Niney (qui a déjà œuvré dans un rôle assez similaire chez Pixar, celui de Peur dans Vice-Versa) qui oeuvre à la tâche.

Buzz l’Éclair est évidemment de retour et si son personnage avait souvent pris les devants lors du précédent volet, il est légèrement mis en retrait ici, sans pour autant faire pâle figure à côté des nouveaux jouets. Au contraire, son évolution est pour lui aussi très crédible tant et si bien que le final du film le rend, lui comme les autres personnages impliqués, d’autant plus émouvant. Tim Allen assure une nouvelle fois le doublage du Ranger de l’Espace pour la version anglophone, qui nous permet de faire la rencontre de quelques nouveaux personnages, via son propre parcours dans le film. En France, l’inimitable Richard Darbois apporte tout le charisme nécessaire à ce personnage culte.

Love Story

Mais la très belle surprise de Toy Story 4 dans sa riche galerie de jouets ambulants est sans aucun doute le retour de la Bergère,  manquant à l’appel dans Toy Story 3 (une frustration ressentie par certains fans à l’époque soit disant passant). C’est donc justice rendue que de l’avoir réintroduit dans la saga, de manière tout sauf conventionnelle. Le travail réalisé sur l’évolution physique et psychologique de ce personnage est tout bonnement réussi. L’idée de proposer une version plus émancipée, moins candide et précieuse que le personnage à laquelle Pixar nous avait habitué dans les deux premiers films est une belle trouvaille. Au delà du caractère féministe réel inscrit dans le message associé au personnage, ce retour métamorphosé est argumenté là encore par des raisons très convaincantes au cours du récit. Rien n’est prétexte à nous vendre des archétypes de profils vus et revus dans les films d’animation les plus récents des studios Disney et Pixar (on pense notamment à des personnages ultra-marqués comme Cruz Ramirez dans Cars 3 ou Judy Hopps dans Zootopie). La leçon de vie que nous inculque la Bergère, endurcie par le temps et les épreuves, est admirable. Sa façon de discerner les gens, leur vécu, la manière dont elle perçoit son propre destin, qu’elle entend bien contrôler elle-même, force le respect.

Sa rencontre avec Woody est tout aussi bouleversante et jamais Pixar n’avait narré une aussi belle histoire d’amour entre deux personnages étalée finalement sur quatre films, puisque Woody aborde avec regret la perte de son amie qui lui est chère dans le troisième volet. Ses retrouvailles avec elle n’en sont que plus touchantes, bien qu’ils ne manquent pas de mordant et de piquant pour autant car les scènes les plus cocasses d’action entre nos deux compères sont véritablement enthousiasmantes. Il y a là une véritable complicité qui renaît entre ces deux personnages et on se prend très vite au jeu d’une relation plus que sincère : c’est là toute la puissance narrative de Pixar de pouvoir rendre l’intangible aussi crédible et palpable. La voix originale de la Bergère est assurée par Annie Potts à nouveau. En France, ce personnage de porcelaine est doublé par Audrey Fleurot rendue célèbre pour ses apparitions dans la série Kaamelott. C’est donc une troisième voix française pour ce personnage après Vanina Pradier dans le 2ème opus et Rebecca Dreyfus dans le 1er.

De nouveaux personnages aux petits oignons

Du côté des autres nouvelles figures de cette grande famille de jouets, on pourra relever Ducky et Bunny, deux peluches hilarantes et complices prisonnières d’un stand de fête foraine, et dont le rêve est d’enfin être remporté par un visiteur afin d’être décroché de leur grille d’exposition. Pixar a fait le choix d’engager deux moutures de la comédie américaine pour donner vie à ces personnages, Keegan-Michael Key et Jordan Peele, qui font les beaux jours de la série Key & Peele sur la chaîne américaine Comedy Central. Le mélange de langage américain très urbain aux situations cocasses que nous font vivre ces peluches touchantes fonctionne du début à la fin. L’écueil de la lourdeur est évité car les interventions légères de ces personnages sont très bien dosées et viennent ponctuer une histoire souvent plus grave. Disney France part du même principe en recrutant deux célébrités françaises pour les incarner, à savoir Jamel Debbouze et Franck Gastambide, doublant respectivement Ducky et Bunny. Jamel n’en est pas à sa première participation dans le monde du doublage chez Disney puisqu’il a déjà prêté sa voix à Zini dans Dinosaure (2000) et Art dans Monstres Academy (2013). Dans les deux cas, sa prestation n’a vraiment pas convaincu et ici, sa performance est de bien meilleure facture. Pour Gastambide, c’est une grande première et il se fond dans le personnage.

Autre personnage extrêmement réussi dans ce film, celui de Gabby Gabby. Cette poupée dont les fans d’horreur devraient reconnaître la terreur qui s’en dégage est un jouet devenu terrifiant au cours du temps, qui date des années 1950. Christina Hendricks, star de Good Girls et Mad Men, donne vie à ce nouveau personnage en version originale (en France, il s’agit de l’autrice-compositrice-interprète belge Angèle). Le parcours de ce personnage, pouvant nous évoquer au début celui de Lotso dans Toy Story 3, est atypique. Ce personnage permet à Pixar d’apporter pour la première fois une patine gothique, en important la culture des films d’horreur à un film se voulant pourtant familial. Il n’y a probablement que chez Pixar que l’on peut encore se permettre de ce genre d’audace dans le secteur de l’animation. Comme beaucoup d’autres protagonistes, le cas de Gabby Gabby interpelle à plus d’un titre et le destin de ce personnage est tout aussi surprenant et bien amené. Les hommes de main de Gabby – une bande de pantins ventriloques sans voix – n’ont pas cette même chance d’avoir une voix qui leur est propre. Il s’agit là aussi d’antiquités du milieu du siècle, il n’y a pas d’humain pour les faire parler.

Encore un autre personnage qui n’a pas son pareil et qui est pourtant traité avec autant de soin que ses camarades, Duke Caboom. Ce jouet est figurine d’un cascadeur sur moto des années 1970 – ou du moins c’est ce qu’il dit – comme étant le plus grand casse-cou du Canada. L’heure est décidément aux jouets vintage dans cet opus final. Un caméo d’un très vieux jouet célèbre participe également à ce constat. Concernant Duke, celui-ci n’a pas été capable d’accomplir les cascades défiant la mort que sa publicité lui avait promis… jusqu’à ce que Woody et la Bergère lui offrent l’occasion de se montrer à la hauteur de la situation et de tirer le meilleur parti de son funk. Duke Caboom est doublé en version originale par Keanu Reeves, plus déchaîné et passionné que jamais, et qui se trouve être à la fois canadien et féru de moto… A noter qu’aucun de ces éléments n’a été pris en compte dans son recrutement. Le résultat est stupéfiant : le personnage est non seulement drôle mais réussit lui aussi à nous faire passer une large palette de sentiments dramatiques durant le film.

Notons également la présence parmi ces nouveaux personnages de l’officier Giggle McDimples. Bien qu’elle ne soit pas aussi vintage que Duke, c’est une policière inspirée par la gamme Polly Pocket et faisant partie de la ligne de jeux et figurines miniatures Giggle McDimples des années 1980, située dans le minuscule Miniopolis. En tant que tel, ce jouet a déjà mérité le statut de plus petit personnage de Toy Story à ce jour. Giggle fait partie de ce réseau de jouets que fréquente la Bergère dans sa nouvelle vie libre. Elle en est devenue sa meilleure amie que l’on pourrait un peu comparer à une Jiminy Cricket au féminin, douce, de bon conseil mais aussi pleine de niaque et de détermination. C’est la comédienne Ally Maki (Wrecked) qui prête sa voix au personnage dans la version originale.

We are family

Les spectateurs ont évidemment le plaisir de retrouver tous les anciens jouets, qui font tous plus ou moins partie de leur famille. Bien que plus en retrait dans l’histoire, ils ne sont pas là simplement pour compléter les moments de creux du film mais trouvent, tout un chacun, un moment qui leur est propre pour faire avancer le récit. On ne mesure pas à quel point cette famille est désormais très grande puisqu’elle rassemble les anciens jouets d’Andy et ceux de Bonnie. Jessie, Rex, Zig-Zag, M. et Mme Patate, Bayonne, les Aliens, Trixie, Dolly, Bouton d’Or et M. Labrosse : ils sont tous présents pour ce dernier acte et c’est un plaisir non dissimulé de spectateur que de tous les retrouver. Le parcours personnel de Jessie, toujours jouée par Joan Cusack en version anglophone et Barbara Tissier en version française, prend un tournant inattendu. Le seul petit hic est d’avoir mis de côté sa relation sentimentale avec Buzz l’Éclair dans ce film, alors qu’elle venait de naître dans le troisième opus. Il faut dire que cela aurait surement porté préjudice à l’autre grande histoire du film, celle de Woody et de la Bergère.

Mention spéciale pour M. Patate dont la voix originale, Don Rickles, nous a quitté en 2017. Pour l’anecdote, sa famille a insisté auprès de Pixar pour que la voix de Rickles soit malgré tout utilisé dans ce film, l’acteur n’ayant pas enregistré ses répliques avant sa mort. A partir d’une base de données de 25 années comprenant les films, les cartoons et même les jeux vidéos, Don Rickles a pu ressusciter dans cet opus final dans la peau de M. Patate. Enfin, les personnages humains ne sont pas en reste. Bonnie est l’enfant le plus craquant du monde ! Et les yeux les plus vifs pourront même apercevoir un couple lesbien qui embrasse leur enfant dans la maternelle de Bonnie, preuve que Pixar continue de normaliser ce qui doit l’être au cinéma comme ailleurs.

Pixar en roue libre

Concernant la direction artistique du film, elle est éminemment dirigée. Le choix tout d’abord des lieux de l’action est très bien senti. Après les chambres d’enfant, le magasin de jouet, l’antre d’un collectionneur, la crèche ou la décharge publique, ces nouvelles aventures propulsent nos jouets préférés à une distance encore jamais parcourue auparavant, celle des vacances. La famille de Bonnie traverse ainsi le Parc national du Grand Bassin, un lieu qui existe vraiment aux Etats-Unis dans l’Etat du Nevada. Parmi les lieux clefs de l’intrigue, on relèvera cet étrange pays des merveilles, peuplé de toiles d’araignées et de bric-à-brac de toutes sortes, dirigé par Gabby Gabby, un magasin antiquaire. La profusion d’objets de collection et autres bibelots en fait une véritable caverne d’Ali-Baba et un lieu idéal pour faire évoluer nos jouets qui s’y sentent plus intrus qu’autre chose : l’ancien et le vetuste prédominent sur le moderne.

toy story 4

De même que la technologie dont dispose actuellement les studios d’animation Pixar, tire un avantage bénéfique des capacités du rendu visuel. Bien plus que le troisième volet, Toy Story 4 est véritablement pensé comme un objet de cinéma, le plus cinématique de la série d’ailleurs. Les plans sont recherchés et travaillés comme un film en prises de vue réelles et non comme un film d’animation. Josh Cooley prouve qu’il est véritable prodige en la matière, bien plus qu’un simple réalisateur de film d’animation. On sent, dès lors, qu’il vient du storyboarding tant son travail sur la lumière, la photographie et le son, est excellent. On citera notamment le rendu magnifique des séquences de la scène d’ouverture, la scène d’introspection sous la pluie ou encore l’époustouflant final. C’est bien simple, certains environnements sont tellement bien érigés avec détail et goût, qu’ils en deviennent pour le coup quasiment réalistes. Mais, il s’agit bien d’un film d’animation ! La fête foraine, de jour comme de nuit, est un véritable spectacle en soi !

toy story 4

Le soin apporté au design de chaque personnage dénote un véritable amour de Pixar pour la performance technique, vers l’infini et au-delà ! Le visage en porcelaine de la Bergère, les traits de Woody et même la finesse de texture de tous les types de jouets, qu’ils soient peluches, plastiques etc. est précisément l’occasion pour Pixar de prouver que le studio se distingue encore sur le plan de l’innovation. Et à l’heure où d’autres studios d’animation commencent tout doucement à rattraper le leadership occupé par Pixar, en redéfinissant ce qu’est le photo-réalisme par exemple, le studio de Luxo est bien obligé de toujours faire mieux pour garder une longueur d’avance technique. Dans cette compétition, Toy Story 4 nous prouve que Pixar est encore le modèle en matière d’exploits digitaux.

toy story 4

Que serait la saga des jouets d’Andy et Bonnie sans Randy Newman. Le compositeur émérite des studios Pixar rempile en effet pour ce film. Outre son extraordinaire hymne à l’amitié, « Je suis ton Ami » (« You’ve Got a Friend in Me ») et qui émeut toujours autant, le musicien nous offre deux chansons inédites dans la bande-originale de Toy Story 4, « I Can’t Let Yourself Throw Away » qu’il interprète lui-même et qui concerne Woody et Fourchette ; et « The Ballad of the Lonesome Cowboy » chantée par Chris Stapleton. En France, ces deux nouveaux titres sont réarrangés et repris par le chanteur franco-américain CharlElie Couture, célèbre pour avoir donné ses lettres de noblesse à la chanson « Je suis ton Ami » en 1995 dans le premier opus. Il reprend d’ailleurs cette dernière dans une version réactualisée pour les besoins de Toy Story 4.

toy story 4

De son côté, Randy Newman offre, sans aucun doute, la plus belle partition à un film de la saga Toy Story ici, où il s’amuse à réinventer les mélodies existantes de la saga tout en apportant des thèmes inédits mais peut-être un peu trop discrets, comme ceux de Gabby Gabby ou Duke Caboom. Seul le thème émouvant de Bonnie ressort du lot.

Toy Story 4 : déchirant, drôle et époustouflant

Il aura fallu presque un quart de siècle à la saga des jouets pour s’achever. En 1995 (et même avant avec le court-métrage Tin Toy de John Lasseter), Toy Story révolutionnait le cinéma par ses prouesses à la fois techniques et scénaristiques. Aujourd’hui, si la technique n’atteint pas un stade supplémentaire de sophistication, Pixar se faisant rattraper par la concurrence sur ce plan, le studio démontre à quel point il est encore bien au dessus de tous les autres pour savoir raconter des histoires plausibles et originales. Josh Cooley, en digne héritier de John Lasseter et Pete Docter, démontre toute sa maestria sur cette saga qu’il a compris, en apportant une pierre supplémentaire à l’édifice. Toy Story 4 fait confiance aux émotions sincères et embrasse cet univers dont il est manifestement fan comme n’importe quel spectateur ayant été bercé par les jouets d’Andy. Pour sûr, le film a réalisé en 24h un record de pré-ventes de billets aux Etats-Unis, dépassant le record précédent détenu par Les Indestructibles 2. En fera-t-il de même pour son lancement et son score final ?

toy story 4

Quoi qu’il en soit, le film va plus loin que ses prédécesseurs en suggérant l’idée du choix dans le destin des personnages. Mais les quatre films ont su faire évoluer leurs personnages de la plus belle manière qui soit : imaginez Woody en 1995, faisant preuve de jalousie et d’égoïsme quand Buzz débarque dans sa chambre et la maturité qu’il a gagné depuis, puis en ayant changé de propriétaire…

toy story 4

Toy Story 4 se révèle être un formidable chapitre final à la saga, rafraîchissant sans pour autant renier tout l’héritage de 24 années de travail. Au contraire, le film entend répondre à des questions posées tout au long des films tout en ouvrant de nouveaux débats philosophiques. Très peu de films peuvent se tarir d’un tel déploiement d’audaces : mais quand il s’agit de quatre films, complémentaires les uns entre eux mais aussi qui ont leur propre identité et leur propre force, on peut se dire qu’il s’agit bel et bien de la plus belle quadrilogie du cinéma contemporain. Personne n’aurait pu imaginer que des jouets imprégnés des traits humains pouvaient encore, 24 ans après, nous émouvoir, nous faire pleurer, vibrer ou exploser de joie mais c’est bien le cas. Toy Story 4 est, avec COCO, le film d’animation le plus réussi des années 2010 chez Pixar et termine magnifiquement la saga, et marque le début d’une nouvelle ère de créativité au sein des studios, qui ont perdu leurs co-fondateurs en 2018, Ed Catmull et John Lasseter.

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