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Mulan (2020) – Critique du Film Disney+

Lorsque l’Empereur de Chine publie un décret stipulant qu’un homme de chaque famille du pays doit intégrer l’armée impériale pour combattre des envahisseurs venus du nord, Hua Mulan, fille ainée d’un vénérable guerrier désormais atteint par la maladie, décide de prendre sa place au combat. Se faisant passer pour un soldat du nom de Hua Jun, elle se voit mise à l’épreuve à chaque étape du processus d’apprentissage, mobilisant chaque jour un peu plus sa force intérieure pour explorer son véritable potentiel… Commence alors pour Mulan un voyage épique qui transformera la jeune fille en une guerrière aux faits d’armes héroïques, honorée par tout un peuple reconnaissant et faisant la fierté de son père.

Le remake le plus ambitieux jamais produit par Disney

Depuis une décennie, les remakes ont la cote chez Disney, et en particulier les réadaptations ou relectures de Grands Classiques de l’animation Disney. Le point culminant de cette ère commerciale a probablement été atteint en 2019 avec le succès incommensurable de Aladdin et Le Roi Lion. Malgré la frustration qui agite certains fans et critiques quant à leur qualité artistique, le stratégie de l’offre et la demande continue de porter ses fruits et la Maison de la Souris poursuite sa récolte de gros sous inlassablement. Bien que certains hits sortis ces dernières années se sont hissés au box-office générant un milliard de dollars, aucun n’a vraiment brillé totalement, le public leur trouvant ici et là toujours des défauts. Les plus discrets comme Dumbo ou Peter et Elliott le Dragon tirent en revanche leur épingle du jeu dans ce flot d’ennui. Mulan, cependant, contredit totalement cette tendance négative. Le dernier remake de Disney est une somptueuse fresque de haute volée, se démarquant de son prédécesseur animé tout en honorant son héritage et, espérons-le, en proposant une autre méthode de production de ce type de film pour l’avenir.

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Mulan se veut à la fois un hommage subtilement appuyé du film d’animation éponyme de 1998 tout en offrant sous forme de récit haletant une fresque d’une épopée sur une guerrière légendaire, née d’un conte ancestral chinois. Au fond, l’histoire est à peu de choses près la même que celle relatée il y a plus de vingt ans ; une jeune femme nommée Mulan (incarnée par l’extraordinaire Yifei Liu) s’enfuit à la guerre au milieu de la nuit, se faisant passer pour un homme dans l’armée impériale de son pays, afin d’empêcher son père malade de se battre. Si la version animée réalisée par Tony Bancroft et Barry Cook offrait des moments d’action palpitants et guerriers, détonant avec le reste du registre de Disney dans les années 1990, elle savait également offrir des respirations plus légères notamment avec ses séquences musicales et ses personnages inédits et hauts en couleur, à commencer par Mushu. La réadaptation qu’en fait Niki Caro se veut évidemment beaucoup plus sérieuse et fidèle aux poèmes séculaires narrant son histoire, qui se concentre davantage sur le parcours militaire, personnel et spirituel de Mulan pour se retrouver et prouver qu’elle est capable de bien plus que ce qu’on prête aux femmes de son temps.

Une adaptation émancipée du film de 1998

Cette itération de Mulan troque les airs accrocheurs et les dragons parlants contre d’énormes décors imposants et des scènes d’action parfaitement chorégraphiées. On passera les quelques anachronismes historiques et problèmes géographiques décrits dans le film. Mulan vit en effet dans cette histoire dans une maison ronde dite tulou, que l’on pourrait définir comme une structure de vie communautaire traditionnelle du peuple Hakka que l’on trouve sur la côte sud du Fujian. Étant donné que Mulan est originaire du nord de la Chine, il est peu probable que sa famille vive dans une maison associée au peuple Hakka. De plus, ce type d’architecture de forteresse s’est surtout manifesté durant la période de la dynastie Ming, soit plus de mille ans après la période dans laquelle évolue Mulan. Un vrai impair pour un film se voulant plus proche de al réalité que de la féérie…

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Quoi qu’il en soit, la réalisatrice Niki Caro et son équipe transforment ce film en un véritable tourbillon d’arts martiaux à part entière, à la fois dans ses séquences d’action comme dans son scénario savamment rythmé. Élément fondamental du récit qui nous est proposé, le chi, une capacité que tente d’exploiter Mulan progressivement, est très bien amenée et pourra être perçu assez facilement par tous les spectateurs comme une énergie interne qui lui permet de faire des choses extraordinaires. Seuls les hommes ont le pouvoir d’exploiter le chi, alors Mulan apprend dès son plus jeune âge à dissimuler ses aptitudes ; dans le cas contraire, celle-ci serait considérée comme une sorcière et exilée. Ce thème de l’exclusion pour la différence est d’ailleurs un leitmotiv qui prend tout son sens avec le personnage très intéressant de Xianniang (Li Gong), une puissante force de vengeance.

Un scénario plus profond qu’il n’en a l’air

Les parallèles entre ces deux figures féminines nous permettent d’offrir à l’histoire un relief peu commun pour un remake Disney et sont l’occasion pour notre héroïne de gagner encore davantage de profondeur dans son évolution que sa version animée de 1998. Au lieu de simplement abattre une armée qui envahit sa nation et devenir la guide de cette dernière, Mulan se retrouve face à face avec une future version potentielle d’elle-même, la forçant à comprendre qui elle est et ce qu’elle veut être. C’est dans la construction et la déconstruction de cette rivalité inspirante et stimulante qu’émerge des prises de décision de la part de Mulan qui en vient à révéler son identité de façon beaucoup plus percutante.

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Histoire de clore le débat une bonne fois pour toutes, ce film assume totalement son émancipation du film d’animation de 1998. Dès lors, l’affubler de la mention de remake est davantage un effet marketing qu’autre chose pour Disney. Mais dans le même temps, les scénaristes ont fait en sorte d’incorporer dans l’ADN du film quelques éléments « Disney » de manière subtile et impressionnante. Par exemple, de nombreux fans ont été déçus que les chansons classiques ne soient pas présentées dans cette réadaptations, mais les mélodies de ces chansons ont été élégamment intégrées dans le tissu de l’impressionnante partition musicale de Harry Gregson-Williams. Et les propositions de ce genre restent assez subtiles pour être appréciées à leur juste valeur : quand Mulan enfile l’armure de son père et se prépare à partir pour la guerre, vous pouvez entendre le son incomparable de la chanson « Reflection » en arrière-plan. Cette manière de se raccrocher à un thème musical fort qui a bercé plusieurs générations de fans sans pour autant tomber dans une surenchère commerciale est selon nous le juste équilibre parfait pour qu’un hommage serve une histoire et non l’inverse. Cette intégration aidera aussi sûrement les plus frustrés à vraiment à compenser tout ce qui leur manque. D’autres clins d’œil plus discrets et fins apparaissent ici et là comme un grillon chanceux qui interpellera forcément les fans de la première heure.

Yifei Liu est Mulan

Le casting quant à lui est tout simplement parfait ! Yifei Liu fait un excellent travail dans la peau de Mulan, rayonnant de confiance et d’équilibre tout au long d’un récit qu’elle porte à bout de bras. Sa proposition d’une guerrière féroce lorsqu’elle est mise à rude épreuve et d’une personnalité inspirante, pourvue d’une sincérité forte sont les ingrédients qui créent l’alchimie dans ce personnage, qui fonctionne à merveille. De ses combats intérieurs et extérieurs à sa capacité à transcender sa condition et guider ses amis, Mulan se dresse en icône culturelle de la culture chinoise à travers le monde, et plus généralement de la pop-culture.

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Il est aussi très appréciable de découvrir Jet Li en Empereur et Donnie Yen dans des rôles excellement maîtrisés, d’autant que leurs scènes d’action reflètent sans aucun doute tout leur potentiel dans les arts martiaux. Exit Shang, le commandant de Mulan devenu son intérêt amoureux à la fin du film, ce personnage se subdivise en deux personnages dans le film. Tout d’abord, le rôle joué par Donnie Yen, le commandant Tung, a cela d’intéressant qu’il n’est pas qu’un simple argument d’autorité pour aider le personnage principal à mener à bien son entraînement et ses missions. Sa force d’officier endurci et proche des traditions permet de recontextualiser les enjeux tout au long du film. D’un autre côté, le personnage de Cheng Honghui interprété par Yoson An se place en coéquipier rival de Mulan (qu’il croit être un homme) puis apprend à la connaître pour mieux comprendre sa persévérance. Mais le second rôle masculin qui leur vole la vedette sera assurément Tzi Ma, jouant le père de l’héroïne. La scène où il trébuche en essayant de récupérer ses ordres militaires est tout simplement déchirante, grâce en très grande partie à la performance dramatique de l’acteur. D’autres moments tout aussi émouvants parsèment le film. Le père de Mulan fait souvent partie de chacun d’eux… Autre différence notable entre le film d’animation et cette histoire, les ennemis du peuple chinois. Le chef des Huns, Shan Yu, a été remplacé par Böri Khan, le chef des soldats de l’ombre Rourans, campé par un Jason Scott Lee très convaincant. Son association avec la sorcière Xianniang (un personnage inspiré de la guerrière Xianniang dans la Romance de Sui et Tang, une fiction qui reprend le conte ancestral de Mulan au XVIIe siècle) rendent les enjeux très crédibles et originaux.

Mulan : Loyal, Brave, True

On pourra néanmoins reprocher à Mulan sa façon de marteler des thèmes vertueux (« Loyal, Brave, True ») de façon beaucoup répétée, au point que cela en devienne pénible au bout de deux heures. L’engagement des acteurs suffit amplement à transmettre ces messages, certes graves mais qui deviennent finalement banals quand n’importe quel personnage s’emploie à brandir son épée et que la morale est rappelée à tout bout de champ. Le film en soi porte tout seul le message mais on sent que la pédagogie qui l’entoure ne lui fait pas nécessairement honneur.

Le film Mulan a sa propre âme indéniablement, enracinée dans la culture et le folklore chinois et ne manquant pas, à certaines occasions, d’offrir des compromis aux fans du film d’animation. Il n’est clairement pas difficile de recommander ce film, puisqu’il peu s’enorgueillir de revisiter avec des moyens ambitieux une histoire vieille de plusieurs siècles, tout en apportant un véritable divertissement digne des plus grands films asiatiques. Il est dès lors injuste de le voir être sacrifié (ou sauvé, sûrement un peu des deux) sur l’autel de la pandémie du COVID-19, lui qui mérite plus qu’aucun autre film en 2020 sa place dans les salles de cinéma !

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