La chronologie des médias français devient un véritable casse-tête pour les plateformes de streaming. C’est le cas pour Disney, qui a récemment décidé de sortir certains de ses films simultanément en salles et sur Disney+. Une chose impossible pour le marché du cinéma en France actuellement et qui pourrait bientôt conduire à une décision catastrophique avec les films Disney.
La chronologie des médias : quel avenir à l’ère du streaming ?
En vigueur en France depuis la fin des années 1980, la chronologie des médias vise à préserver l’exploitation des films en salles. Il s’agit du délai entre le moment où un film obtient un visa d’exploitation, et le moment où il peut être projeté sur d’ autres supports. Actuellement, le calendrier d’exploitation d’un film est le suivant :
- 4 mois pour la vente et la location (3 mois pour les films de moins de 100 000 entrées)
- 8 mois pour Canal + et OCS (6 mois pour les films de moins de 100 000 entrées)
- 22 mois pour la première fenêtre de télévision gratuite (20 mois pour les films de moins de 100 000 entrées)
- 36 mois pour les plateformes de streaming dites « non vertueuses » comme Netflix, Disney+ et Amazon (34 pour les films de moins de 100 000 entrées)
Le cinéma en France face aux plateformes : Disney dans tout ça ?
Cette exception culturelle française est au centre de tous les débats depuis l’avènement des plateformes de streaming. D’autant que des géants comme HBO Max et Disney+ ont décidé de sortir simultanément leurs films en salles et sur leurs plateformes aux États-Unis et dans d’autres pays. Évidemment en France, une telle décision ne peut avoir lieu en raison de la chronologie des médias. Mais cela pourrait bientôt conduire à des décisions très dommageables pour notre pays. Des discussions sont actuellement en cours pour arriver à un nouveau calendrier, mais personne ne semble pouvoir se mettre d’accord.
Disney menace de ne plus sortir ses films en France
Cette chronologie des médias est donc une véritable épée de Damoclès pour les plateformes en France, d’autant qu’il s’agit du seul pays dans ce cas – la fameuse exception culturelle française. Dans un récent article publié par Variety, on apprend que Disney songerait à ne plus sortir ses films en salles en France, pour pouvoir les diffuser plus rapidement sur Disney+ et ainsi s’abroger ce fameux délai de 36 mois qui reste à ce jour toujours d’actualité, les négociations entre tous les partis (producteurs, exploitants, groupes médiatiques, majors, représentants publiques…) n’ayant pas abouti. Évidemment, compte tenu du nombre de licences de films détenues par le studio, une telle décision serait catastrophique pour la production française et mettrait en péril toute une industrie. Le simple fait d’avoir changé de stratégie pour Mulan en 2020 a provoqué un véritable taulé.
Ardavan Safaee, PDG de Pathé, n’a pas caché son inquiétude face à cette menace :
C’EST UNE SITUATION PRÉOCCUPANTE. SI CERTAINS TRÈS GROS FILMS AMÉRICAINS NE SORTENT PLUS EN SALLES, CELA IMPACTERA L’ENSEMBLE DU SECTEUR, Y COMPRIS CELUI DES FILMS INDÉPENDANTS, QUI BÉNÉFICIE D’ENTRÉES À SUCCÈS.
Une source travaillant actuellement sur les discussions autour de la chronologie des médias en France aurait déclaré que l’exception française ne pouvait pas durer dans le contexte actuel :
AUX ÉTATS-UNIS, LA FENÊTRE MAXIMALE POUR QU’UN FILM SOIT DISPONIBLE SUR UNE PLATEFORME DE STREAMING APRÈS SA SORTIE EN SALLES EST DE 45 JOURS. ET DE TRÈS NOMBREUX PAYS DANS LE MONDE SUIVENT CE SCHÉMA TOUT SIMPLEMENT PARCE QUE LA PRODUCTION AMÉRICAINE REPRÉSENTE ENTRE 70 ET 80 % DES FILMS. ALORS COMMENT LA FRANCE PEUT-ELLE S’ISOLER DU RESTE DU MONDE ?
avant d’ajouter :
LA FRANCE FAIT EXCEPTION CAR LA PRODUCTION AMÉRICAINE REPRÉSENTE MOINS DE 50 % DES ENTRÉES, MAIS ON NE PEUT PAS SE PERMETTRE DE PERDRE LES FILMS DISNEY. CELA SIGNIFIERAIT UNE PERTE DE 50 MILLIONS D’ENTRÉES PAR AN.
Mais certains opérateurs semblent plutôt confiants et estiment qu’un accord avec Disney pourrait être rapidement trouvé :
ON A VU RÉCEMMENT QUE DISNEY A RECULÉ AVEC SES FILMS. ILS SE RENDENT COMPTE QU’ILS ONT BESOIN DES SALLES NON SEULEMENT POUR LEURS REVENUS, MAIS AUSSI POUR LEUR IMAGE (…)
Et en effet, le succès surprise de Shang-Chi proposé en exclusivité au cinéma pourrait pencher dans la balance, d’autant qu’on est à peu près sûr que ces annonces sont davantage du bluffe plus qu’autre chose (pour le moment en tout cas). N’oublions pas que la sortie des films en salles en France est vitale pour de nombreux acteurs du marché, chose que la filiale française de Disney a bien conscience (et peut-être un peu moins concernant la maison-mère américaine hélas).