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Hamilton – Critique du Spectacle Filmé Disney+

Hamilton raconte, de manière contemporaine, l’histoire des États-Unis dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Au fil d’une bande-son qui mélange le hip-hop, le jazz, le R&B et les comédies musicales américaines, Hamilton retrace le parcours de l’un des Pères fondateurs du pays. Depuis sa création, cette comédie musicale a eu une profonde influence sur la culture, la politique et l’éducation outre-Atlantique.

« What’s you name, man ? Alexander Hamilton ! »

L’orphelin Alexander Hamilton décide de quitter sa maison sur l’île de Nevis. Après son arrivée à New York en 1776, ce personnage qui s’apprête à devenir l’une des figures emblématiques de l’histoire des États-Unis, fait la rencontre de Aaron Burr, John Laurens, du marquis de Lafayette et d’Hercules Mulligan et les impressionne par ses talents de rhétorique. Le spectateur est dès lors embarqué dans un divertissement hors-normes qui relate l’Amérique d’avant, vue par l’Amérique de maintenant. Un pari osé et totalement réussi !

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Projet improbable sur le papier, Hamilton est devenu en quelques années l’un des phénomènes culturels les plus en vogue en Amérique du Nord. Mieux, il constitue aujourd’hui un symbole fort des tensions politiques et sociales qui sévissent aux États-Unis. Vu de l’Europe occidentale, il serait évidemment facile de s’arrêter au succès du spectacle mais son aura est telle qu’elle mérite une analyse plus poussée. Cette analyse se base sur la captation du musical mise en ligne le 3 juillet 2020 sur la plateforme de vidéo à la demande Disney+. La musique, les paroles et le livret de cette comédie musicale sont de Lin-Manuel Miranda. Elle raconte l’histoire du père fondateur américain Alexander Hamilton et s’inspire directement de la biographie de sa biographie écrite par Ron Chernow et publiée en 2004, tandis que la musique du spectacle en elle-même mêle hip-hop, R&B, pop, soul et de style traditionnel. Autre fait notable, le spectacle met en scène des acteurs non blancs pour incarner les pères fondateurs et d’autres personnages historiques des débuts de l’Amérique de George Washington.

La genèse de ce spectacle

Comment est né ce spectacle ? Pour cela, il faut remonter à l’été 2008. En partance pour le Mexique, Lin-Manuel Miranda cherche à l’aéroport de quoi occuper ses vacances. Il tombe alors sur la biographie de Alexander Hamilton de Ron Chernow. Il voit dans ce personnage ô combien important de l’histoire de son pays non seulement une destinée à raconter mais aussi de la musique qui jaillit des pages. Un récit hip-hop naît petit à petit. Le compositeur entre en contact avec le biographe et le convainc de l’intérêt du hip-hop pour mieux faire passer des pages entières de son livre. La première chanson inaugurale du spectacle, « Alexander Hamilton », qui ramasse en quelques lignes la jeunesse du personnage, est ainsi créée. Le 12 mai 2009, le jeune compositeur est l’invité d’honneur du couple Obama à la Maison Blanche à l’occasion d’une soirée consacrée à la musique. Il doit y présenter la musique de son spectacle In the Heights. Au lieu de cela, il en profite pour mettre en avant officiellement son nouveau projet, The Hamilton Mixtape, un album conceptuel consacré au secrétaire au Trésor Alexander Hamilton, le tout en hip-hop, un genre qu’il dit lui-même inspirant pour cette figure historique. Rires dans l’assemblée. Micro à la main, l’artiste ne se démène pas et se lance dans un rap endiablé devant l’auditoire : « How does a bastard, orphan, son of a whore and a Scotsman, dropped in the middle of a forgotten spot in the Caribbean by providence, impoverished, in squalor, grow up to be a hero and a scholar? » Il finit par prononcer le nom d’Alexander Hamilton sur le refrain et là, les rires retentissent de nouveau. Personne ne semble s’imaginer que des années plus tard, Lin-Manuel Miranda deviendrait le roi de Broadway grâce à cet univers précisément.

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Lin-Manuel Miranda se met alors en tête d’offrir à sa musique un spectacle vivant digne de ce nom. Après avoir travaillé parfois durant un an certains morceaux du premier acte, il crée un atelier de production. Il présente le fruit de son travail au Powerhouse Theater à New York le 27 juillet 2013 dans le cadre d’un festival. Le spectacle n’est abouti qu’à un peu plus de la moitié (avec l’intégralité du premier acte et trois chansons du second). Il s’entoure d’une troupe qui ne le quittera plus dont les chanteurs Daveed Diggs et Christopher Jackson ou le metteur en scène Thomas Kail. La création du spectacle étant achevée, ce dernier est présenté en première mondiale le 17 février 2015 au Public Theatre en programmation Off-Broadway. Deux fois prolongé en raison de son succès unanime, le spectacle devient une marque convoitée par les producteurs des grandes scènes de Broadway. Mais malgré les mains tendues, Lin-Manuel Miranda se laisse le temps de peaufiner son spectacle.

Le succès

Hamilton fait ses grands débuts à Broadway au Richard Rodgers Theatre (qui a également accueilli le musical précédent de Lin-Manuel Miranda, In the Heights) le 13 juillet 2015, en avant-première, et s’ouvre officiellement le 6 août 2015. Comme dans la production Off-Broadway, le spectacle est mis en scène par Thomas Kail, chorégraphié par Andy Blankenbuehler, produit par Seller avec des décors de David Korins, des costumes de Paul Tazewell, des éclairages de Howell Binkley et un son de Nevin Steinberg. Instantanément, le spectacle est acclamé par la critique et finira par décrocher pas moins de 11 Tony Awards. Pour Lin-Manuel Miranda, c’est la consécration. Il est de nouveau convié à la Maison Blanche le 15 mars 2016 et y revient auréolé de gloire. Il se livre lors de sa venue à un challenge de rap en freestyle, un défi imposé par Barack Obama en personne devant les médias, dans un numéro de communication faussement décontracté qu’affectionne tant le président américain.

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Parallèlement à cette gloire personnelle, le spectacle fait le plein de spectateurs au point de devenir un phénomène culturel comme on en voit peu. Hamilton est analysé par tous les médias et prend un essor considérable dans le show-business qui ne parle que de ce spectacle, si bien que le rappeur Questlove du groupe The Roots, qui a collaboré à sa bande-son, explique que son attrait peut être facilement comparé à l’engouement qu’a suscité le tube « Thriller » de Michael Jackson. Cette popularité inattendue pour un homme du passé permet à Hamilton de garder sa place sur les billets de dix dollars et surtout à Lin-Manuel Miranda d’accéder aux sphères hollywoodiennes. De sa petite participation à l’Episode VII de la saga Star Wars à la composition des chansons de Vaiana, La Légende du Bout du Monde en passant par son incursion dans le monde des séries animées avec La Bande à Picsou ou son rôle dans Le Retour de Mary Poppins, il devient en un rien de temps la coqueluche des studios et en particulier de Disney, avec qui il travaille en 2020 sur deux projets, la création de chansons supplémentaires pour le remake de La Petite Sirène, aux côtés de Alan Menken, et la mise en musique d’un prochain film d’animation Disney qui se déroulera en Colombie. Lin-Manuel Miranda devient par ailleurs la vedette de plusieurs documentaires dont We Are Freestyle Love Supreme sur Hulu.

Le phénomène

Hamilton n’est pas un musical comme les autres. Lin-Manuel Miranda le pense dès le départ comme une proposition moderne. Son thème sur l’histoire des États-Unis peut paraître classique au demeurant. Il est servi par une partition des plus originales où les réécritures de classiques du hip-hop se mêlent savamment à des incursions dans le R’n’B, la soul, des musiques caribéennes ou même de la pop élisabéthaine. Cette émancipation du carcan classique de Broadway tient aussi par la structure même du spectacle. Son compositeur, à la manière d’un George Gershwin en 1935, concrétise son ambition d’offrir une grande fresque musicale de 34 chansons au lieu de la vingtaine habituelle à laquelle nous avons droit dans le spectacle typique de Broadway. Il en va de même pour le message. L’histoire de cet immigrant orphelin devenu architecte du fédéralisme américain ne pouvait pas être racontée, du moins pas simplement avec la profondeur nécessaire pour contrebalancer son ampleur, en quelques chants repris en chœurs. Miranda met un point d’honneur à ce que les portes de l’histoire doivent surtout s’ouvrir aux personnes qui en sont souvent exclues. Raconter la fondation du pays de l’Oncle Sam par ses pères blancs (et souvent élitistes et esclavagistes) incarnés par des acteurs non blancs, est un symbole fort en soi.

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Mais la percée du spectacle ne tient pas exclusivement à l’incorporation de le diversité musicale et ethnique. Après tout, Miranda l’avait déjà proposé en revisitant la musique latine dans In the Heights. Le spectacle met en lumière des genres musicaux trop peu souvent valorisés à Broadway mais les fait également progresser, ouvrant ainsi de nouveaux horizons d’exploitation. C’est le théâtre musical, pas seulement l’histoire américaine, qui est revu sous un angle novateur. Et peut-être aussi la musique populaire dans ce qu’elle a de plus noble. L’avantage significatif du hip-hop est sa densité. Non seulement, les chansons sont nombreuses, mais elles se répondent, jouent entre elles et jouent avec la langue américaine et les mots, très nombreux eux aussi. Chaque titre est conçu le plus habilement possible, servant à la fois la grande comme la petite histoire de la vie de Hamilton et la genèse des États-Unis, mais aussi glissant un sous-texte motivé par des engagements sociaux et politiques qui résonnent dans l’Amérique d’aujourd’hui. De leur introduction à leur final, tout leur développement soigne la chronologie historique, permet à chaque personnage de se construire devant les spectateurs, de développer des thèmes plus larges que ceux évoqués dans chacun des faits historiques cités et enfin est l’occasion de varier les tons et les possibilités de structure dramatique et de mise en scène.

Hip-Hop, jazz, R’n’B, soul…

Ainsi, l’association des règles les plus fondamentales de la musique hip-hop, allant de l’assonance aux allitérations en passant par les rythmes saccadés – tout cela permettant d’alerter le spectateur sur certains mots forts – avec le casting principalement non blanc de l’histoire, est une manière de relier des idées et des messages entre eux. On assiste notamment à de brillantes joutes verbales qui marquent et à des jeux de mots pleins de subtilité. Dans le numéro d’ouverture, par exemple, Miranda associe le nom d’Alexander Hamilton à la phrase « a million things I haven’t done » – dites-les toutes les deux à haute voix pour apprécier l’alignement des sons – une manière très élégante de sussurer à l’oreille du spectateur que le protagoniste principal n’a qu’une impatience, croquer la vie à pleines dents et réaliser de grands projets. Là encore, ce style verbal casse totalement avec ce que les paroliers nous ont offert durant des décennies à Broadway et fonctionne parfaitement pour étiqueter chaque personnage et, par le biais de variations, marquer leur développement.

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Et que dire du développement des personnages justement ? La plupart sont dans l’ensemble respectueux des figures originales dont ils s’inspirent. Le fil rouge habile du spectacle est de narrer la vie de Hamilton du point de vue de l’un de ses principaux rivaux de son temps, Aaron Burr, qui finira par devenir le troisième vice-président des États-Unis tout de même, sous l’administration Jefferson. Le parcours de cet antagoniste est étroitement lié à Hamilton et le musical le montre par des effets de miroir, très classiques mais on ne peut plus efficaces. Le résultat paradoxal est que les excellentes performances de Leslie Odom Jr. dans ce rôle torturé sont encore plus enthousiasmantes que tous les autres.

Des chansons impactantes politiquement

Parmi les séquences musicales les plus brillantes, on retiendra tout d’abord « My Shot », un morceau bravoure très enlevé, qui souligne à quel point la vie d’Alexander Hamilton reste un tourbillon d’éclats, de conflits et de débats. On y croise toutes les grandes vedettes de la guerre d’Indépendance américaine comme le Marquis de la Fayette (dans un franglais magnifique) repris par le comédien Daveed Diggs inspiré. Le but de cette chanson est d’auss rapprocher l’histoire du pays et de réduire la distance dans ce récit. L’identité raciale présente tout au long du spectacle, prend un sens fort ici. Les chanteurs scandent « Rise Up, Rise Up! », une référence historique non dissimulée au soulèvement des colonies américaines, mais qui fera sans nul doute écho au mouvement Black Lives Matter de 2020 et aux protestations qui ont suivi après la mort de George Floyd.

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Dans la chanson « Yorktown », il est fait mention de l’une des dernières batailles de la guerre d’Indépendance. Là encore, La Fayette, français de souche, et Hamilton, d’origine caribéenne, déclament un « Immigrants, we get the job done » résonnant là encore dans un débat social fort aux États-Unis aujourd’hui. La politique politicienne est sublimée également dans quelques morceaux dont « The Election of 1800 » dans le second acte, qui relate un passage de cette époque. Hamilton avait fait alors pression sur la Chambre des représentants pour qu’elle élise Thomas Jefferson comme troisième président du pays plutôt que Aaron Burr (après que les deux hommes aient été ex-aequo devant le collège électoral). D’autres morceaux sont purement géniaux et transcendés sur scène grâce à leurs interprètes respectifs. La tragédie qui entoure le parcours de notre homme avec son rival est préfigurée dans « The Room Where it Happens » – l’un des moments qui donnent le plus de frissons. La vie personnelle de Hamilton et de son épouse est abordée notamment dans « Helpless » et « It’s Quiet Uptown ». Du côté de la grande Histoire, on retiendra le numéro fantastique « One Last Time » racontant la fin du second mandat présidentiel de George Washington.

Qu’en est-il du film en lui-même ?

Découvrir un spectacle dans sa version filmée n’est évidemment pas comparable à l’expérience d’un spectateur directement en salle. Mais depuis quelques années, les cinémas et les plateformes tentent d’amener le plus d’authenticité possible dans ce nouveau genre. Concerts, opéras, ballets ou encore pièces de théâtre sont déployés sous forme cinématographique au plus grand nombre que ce soit dans les salles obscures ou directement dans les foyers. Dès lors, deux choix artistiques s’imposent pour les producteurs de ces spectacles filmés. Certains choisissent sciemment et l’espace dramatique, d’autres souhaitent apporter une touche cinématographique supplémentaire en insistant sur certains personnages avec des plans resserrés, en usant d’effets visuels, voire même en invitant les caméras sur le plateau pour immerger davantage le spectateur dans le récit. Hamilton sur Disney+ semble privilégier cette deuxième option.

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Le visuel de la production originale de Broadway semble parfaitement bien retranscris à l’écran ; la production a été filmée durant deux performances en juin 2016 par le metteur en scène Thomas Kail. L’intimité recherchée et les moments d’émotion sont plus soulignés dans l’intention générale. Pour ceux d’entre vous qui n’avez jamais vu le spectacle sur scène et qui ont compensé ce manque en passant des heures à écouter la bande originale, c’est un plaisir tout à fait étrange de figurer dans la salle du Richard Rodgers Theatre tout en restant dans son salon : vous applaudissez souvent en même temps que les spectateurs et ces derniers manquent à l’appel quand des scènes rapprochées sont proposées. Le film n’apporte quant à lui aucune modification majeure dans la mise en scène globale du spectacle, un point appuyé d’autant plus par un montage très neutre de Jonah Moran malgré quelques impasses volontaires sur des répliques comportant notamment des grossièretés (l’éditorial de Disney entre en jeu). Ce film est en quelque sorte à la fois une synthèse de quatre années de production et une rencontre opportune avec l’actualité de l’Amérique.

Hamilton, nouvelle vitrine de Disney+

Disney a acquis les droits de distribution du film début 2020 et avait projeté au départ une sortie en salles en octobre 2021. Mais lorsque les cinémas ont fermé en raison de la pandémie de COVID-19, il a été décidé de proposer Hamilton sur la nouvelle vitrine montante de la firme, Disney+ plus d’un an plus tôt. Cette décision pas anodine intervient dans un contexte socio-politique très tendu aux États-Unis. Il est difficile d’imaginer une toile de fond plus réceptive pour un drame qui reproduit magnifiquement la lutte des (et entre les) Pères fondateurs de l’Amérique incarnés en partie par des comédiens de couleur. L’Amérique de l’immigration, socle fondateur du pays, prend alors un tout autre espace politique dans le spectacle. La rhétorique du hip-hop n’aura jamais été aussi puissante dans ce qu’elle a intrinsèquement de plus essentiel, son langage protestataire contre les inégalités. Le spectacle prend non seulement une valeur politique mais aussi et surtout pédagogique auprès des plus jeunes, qui peuvent non seulement (re)découvrir l’histoire des États-Unis (ou de leur propre pays s’ils sont américains) au travers d’un prisme accessible mais exigeant, mais aussi s’ouvrir aux arts vivants de la scène souvent eux aussi très élitistes, et réfléchir sur le monde d’après.

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Malgré la bonne dose de divertissement qu’il nous offre – et dont on a cruellement besoin dans ces temps où les lieux culturels affichent portes closes – Hamilton rappelle aussi à quel point l’histoire d’un pays comme les États-Unis ne repose pas simplement sur l’héroïsme exacerbé et sa célébration. La destruction de la bonne étoile de Alexander Hamilton (à laquelle on assiste dans l’acte II), persuadé très orgueilleusement que son intelligence aurait surmonté encore les nouveaux défis qui attendaient sa nation, aura eu raison de son existence et de son héritage. La preuve, Hamilton a été l’un des Pères de la nation américaine mais son ascension d’un milieu très humble aux sommets du pouvoir, aura été éclipsée, tout du moins en partie oubliée par la suite. L’histoire étant écrite par les vainqueurs, ce personnage est tombé dans les limbes profonds d’une Amérique qui a voulu dépasser ses rêves sans pour autant prôner celui d’Icare. On regrettera quelques omissions sur la vie du personnage et plus généralement sur le contexte de l’époque : l’élitisme enraciné des classes supérieures de l’Amérique de la fin du XVIIIème siècle, le profond dédain de Hamilton pour le peuple, la lutte des classes amenée justement par les Lumières ou les craintes des personnalités au pouvoir d’une démocratie trop libre ont été mises de côté tout comme le contexte esclavagiste.

L’intime sur scène

Mais la force émotionnelle de cette épopée permet de se focaliser davantage sur les rapports de force de cette minorité au pouvoir à l’époque, tendant à aspirer à un monde meilleur pour mieux le contrôler déjà. Hamilton fait figure de proue de cette thématique mais beaucoup d’autres personnages suivent le même schéma sauf peut-être le président George Washington, sacralisé dans le spectacle. Même dans cette chronique d’une mort annoncée, ce voyage ne semble jamais acquis, en grande partie grâce à l’intensité modulée et à la délicatesse de la performance de Miranda dans le rôle-titre. Sa livraison est aussi expressive que virtuose ; ses paroles deviennent un flux poétique des propres forces et faiblesses du personnage qu’il interprète – son sérieux émotionnel, sa transparence politique et son intellect formidable, parfois insupportable notamment pour Aaron Burr, qui finira par l’exterminer, trop envieux de sa réussite. Plus globalement, c’est bien l’ensemble du casting qui est de haute volée ici.

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Au départ, on pourrait penser que le musical est filmé de manière très fluide et fonctionnelle, compte-tenu du temps de tournage très rapide et du contenu plus important que le contenant. Mais la photographie de Declan Quinn apporte juste ce qu’il faut pour sublimer l’éclairage et la scénographie du spectacle et aussi et surtout les sublimes chorégraphies de Andy Blankenbuehler. Elle vient même compléter la mise en scène particulièrement audacieuse de Thomas Kail. Les neufs caméras disposés devant et sur scène ne laissent rien au hasard ! Et en raison de l’abondance des plans longs et d’ensemble, les vues plus intimistes sont d’autant plus frappants. Ils permettent de véhiculer davantage de nuance de la part des comédiens, qu’il s’agisse de comédie comme avec les apparitions truculentes du Roi George III (campé par le merveilleux Jonathan Groff, alias Kristoff dans La Reine des Neiges) ou les moments les plus bouleversants avec Elizabeth Schuyler, l’épouse de Alexander Hamilton, jouée par la divine Phillipa Soo.

« Who Lives, Who Dies, Who Tells Your Story ! »

Hamilton est une réussite à plus d’un titre comme vous l’avez vu ! Faisant le pont de façon originale entre Rodgers et Hammerstein, Shakespeare, Gilbert et Sullivan, The Notorious B.I.G. ou Destiny’s Child, ce spectacle propose des styles délirants dans la fusion culturelle et historique. Il amène à la fois un véritable divertissement, une occasion de s’instruire sur le passé tout en réfléchissant le présent et ouvre le chemin vers une réflexion sur des thèmes sociétaux plus actuels que jamais à commencer par l’identité. Il montre aussi à quel point l’histoire est dynamique et n’est faite que de cycles d’ascensions et de chutes de dirigeants, que l’on peut raconter de différentes manières, et parfois même de façon très audacieuse comme ici. Les coups de maître ne manquent pas, à commencer par son casting inclusif impeccable. Sa version cinématographique est une capture réussie de sa mise en scène et illumine des passages parfois sobres ou d’autres particulièrement explosifs. Ni plus ni moins qu’une phénomène culturel à part entière, il est dès lors, peu étonnant que ce spectacle se retrouve au centre des confrontations politiques de l’Amérique du début du XXIe siècle, non seulement parce qu’il s’engage dans l’histoire, mais, de par sa portée et et sa notoriété, en fait désormais partie.

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